mercredi 13 mai 2009

L'ETAT





INTRODUCTION

Les hommes qui vivent dans les groupements politiques qu’on appelle société ne s’aiment pas toujours. Les animaux ne connaissent que les duels et dans un enclos de moutons les duels sont des faits rares. Les hommes connaissent les duels et les guerres. Des guerres manifestes et violentes et des guerres froides et hypocrites et mesquines. Mais pourquoi celui qui souhaite la mort physique de l’autre ou sa faillite économique ou qui aime une femme déjà mariée ou un homme déjà marié et qui peut détruire ce qu’il veut détruire ou souhaiterait voir se détruire ne le fait pas toujours ?Parce qu’il y a un pouvoir qui lui empêche de passer aux actes, et ce n’est pas seulement et pas surtout le pouvoir moral de la conscience. C’est un pouvoir particulier qui lui défend de nuire à tort, qui défend aux individus de se faire justice eux-mêmes, un pouvoir qui se charge donc d’être leur juge, qui détermine qui a tort; quantifie le tort et qui dit comment doit être réparer l’injustice commise. Ce pouvoir s’incarne dans les tribaux en prenant les apparences d’homme et de femmes habillés d’habits particulier propre à leur fonction. Mais derrière ces hommes et ces femmes, il y a un autre être invisible qui donne les textes du jugements et qui donne le pouvoir de juger et de commander ou de donner un ordre. Ce pouvoir qui permet aussi au juge de délibérer et de donner un ordre d’arrestation ou d’emprisonnement ou de mise à mort est le pouvoir politique. D’où vient ce pouvoir et qu’est-ce qui le rend nécessaire ou au moins utile ?Quelle forme ou de quelle manière et avec quel instruments et hommes opère ce pouvoir ?Qu’est-ce qui distingue ce pouvoir des autres pouvoirs au sein de la société que détiennent des hommes ou des associations d’hommes ?Peut-on dire que ce pouvoir est toujours pour le bien et le liberté de tous ?L’objet de ce cours est l’instrument principal de ce pouvoir qui a pour nom Etat.


Qu’est-ce que l’Etat ?
Expliquez et discutez le texte suivant:

« Toutes les conséquences d’un temps de guerre où chacun est l’ennemi de chacun, se trouvent aussi en un temps où il n’ y a pas de place pour une activité…ni agriculture, ni navigation, pas de connaissance pas d’art…Et ce qui est le pire de tout, la crainte et le risque continuel d’une mort violente, la vie de l’homme est alors solitaire, pénible, quasi animale et brève. »
Thomas Hobbes, Le Léviathan
La nécessité d’un ordre public pour mettre fin au désordre qui naît dans la rencontre des libertés et des passions et des intérêts individuels
Si nous laissons chaque homme avec la pleine liberté de jouir de ses forces physiques et de sa ruse, l’espace naturel ou l’espace de la société qu’ils forment serait un champ de guerre perpétuelle « de tous contre tous ».Que faire pour éviter cette situation dont personne n’est assuré de sortir vainqueur ?Il faut instaurer un ordre qui sera suivi sur toute l’étendu du territoire où se rencontre ces hommes et par tous les hommes qui y vivent.


Qui aura le pouvoir de déterminer cet ordre ?




Théoriquement il y a deux situations possibles pour déterminer et instaurer cet ordre. L’ordre public peut être déterminé à l’issue d’une discussion, d’une concertation où chacun donne son avis et à la fin de laquelle concertation un ordre adopté par l’assemblée sera promulgué comme ordre général. C’est le cas lorsque tous les hommes sont égaux puisque chacun détient un gramme de pouvoir de nuire et a une faiblesse qui fait de lui une victime potentielle. Cet ordre peut être aussi imposé par un dominateur extérieur qui imposerait des lois et des comportements aux dominés sans être gouverné lui-même par ces lois et cet ordre, en gardant sa liberté naturelle de faire tout ce qu’il veut et peut faire.


A qui appartient ce pouvoir ?






Ce pouvoir est un pouvoir impersonnel s’il est déterminé par l volonté de tous, ou par cette volonté que Jean-Jacques Rousseau appelle « volonté générale » et qui est une volonté qui veut toujours le bien de tous et qui n’est pas donc nécessairement la somme des volonté particulières qui peuvent vouloir le mal. C’est le pouvoir de tous qui s’applique sur tous et sur toute l’étendue du territoire revendiqué par ces hommes. Ce pouvoir et cet ordre peuvent être aussi le pouvoir exclusif du dominateur.
Dans tous les cas, il s’agit d’une force organisatrice, dominatrice et contraignante qui conduit les hommes et organise l’espace de leurs rencontres et de leurs activités. Le pouvoir politique est donc le pouvoir qui se forme historiquement au sein d’un groupement politique appelé société et qui contrôle l’ensemble des relations, des idées et des actions humaines.
De quoi est composé cet ordre et le pouvoir qui l’impose ?
Cet ordre est défini par des lois, des décrets, des valeurs, des sanctions, des comportements, des droits, des devoirs, etc. Le pouvoir politique qui organise toute société ancienne ou moderne est s’incarne ou est représenté matériellement et de manière vivante et agissante par des hommes et des femmes qui pensent et qui agissent en son nom. Il y a notamment dans la société modernes, des bataillons de diverses corps professionnels qui représentent ce pouvoir dans divers domaine et en différents endroits de la société. Le commissariat de police et le commissaire de police et ses agents sont tous au service de ce pouvoir. Tous ces gens peuvent être appelés des gouvernants puisqu’ils ont reçu l’ordre de commander :quand le policier ordonne de donner une carte d’identité ou une carte grise ou une vignette, ce n’est pas lui, il n’est que la voix et le bras autorisé et mandaté de ce pouvoir. Il y a derrière le commissaire de police et ses agents et son commissariat, un être plus grand et plus puissant, qui a même la capacité de faire arrêter le commissaire de police en lui inventant des fautes graves ou lorsqu’il en commet réellement dans l’exercice de ses fonction par abus de pouvoir. Cet être est la vrai source de l’autorité et du pouvoir du commissaire de police puisque c’est lui qui lui donne le pouvoir de commander.

C’est cet être artificiel que l’on appelle Etat.
L’Etat est donc une source de pouvoir appelé pouvoir politique indépendant des hommes qui sont appelés gouvernants et à qui il donne un pouvoir particulier parmi les autres hommes. C’est l’Etat qui donne le droit de commander à d’autres hommes même quand professionnellement ou physiquement ou intellectuellement ce commandeur peut être le plus médiocre de tous. L’Etat est le foyer de l’autorité politique. C’est pourquoi dans…Georges Burdeau dit que « L’Etat est le titulaire des droits et permanent du pouvoir dont les gouvernants ne sont que des agents d’exercice essentiellement passagers ».
L’Etat est l’instrument du pouvoir politique qui cherche par la raison et par la violence justifiée ou arbitraire à instaurer et à maintenir l’ordre public dans ces groupements humains que l’on appelle sociétés et où règnerait le désordre si on laissait les individus avec la liberté de penser et d’agir avec les puissances qu’ils tiennent directement de la nature ou de leur éducation.

Trois composantes fondamentales de l’Etat

Le territoire

Le territoire est ce qui donne à l’Etat une existence matérielle et une fonction spécifique :Tout Etat nous dit Max Weber « revendique le contrôle d’un territoire » et sa sécurisation externe et interne par des moyens divers. Mais il faut noter que les frontières ne sont pas figées…

Le pouvoir politique est aussi essentiel pour l’existence de l’Etat.

Le pouvoir politique est le pouvoir dont les décisions théoriques et dont les actions concernent tout le monde et l’étendue du territoire qu’il contrôle. Ce pouvoir est nécessaire car il existe d’autres pouvoirs dans la société et pour les arbitrer il faut un pouvoir général et généralisateur.
Dans l’Etat, il y a des détenteurs de pouvoirs économique comme les entrepreneurs privés dans le régime capitaliste. Il y a aussi le pouvoir des chefs traditionnels religieux ou coutumiers. Il y a aussi le pouvoir politique des syndicats, etc. Ce qui distingue le pouvoir politique de l’Etat de ces autres pouvoirs, c’est qu’ il n’y a pas de pouvoir d’une personne ou d’un groupe particulier de personnes au-dessus du pouvoir politique de l’Etat. L’Etat est au-dessus de tout et de tous dans son territoire :on ne peut le comparer qu’à un dieu parmi les homme ou à un ange, ou à un monstre tout puissant sur la vie et sur les choses. Pour caractériser ce pouvoir de l’Etat, nous disons que l’Etat est souverain, pour dire qu’il est un décideur qui ne dépend que de lui-même.




La reconnaissance et la légitimité du pouvoir politique


Il est nécessaire que le pouvoir politique soit reconnu et accepté comme autorité publique , c’est-à-dire comme source de l’ordre public. C’est pourquoi depuis les philosophes du Moyen-Age, la nécessité du consentement n’a cessé d’être affirmée. En principe ou théoriquement, ceux qui sont gouvernés s’engagent par un pacte écrit ou non écrit à reconnaître l’autorité de l’Etat et du prince qui le représente et à lui obéir. Mais nous voyons aussi que le prince ou le président s’adresse aux gouvernés dans un serment de fidélité à la mission pour laquelle il est élevée en tant que représentation du pouvoir politique. En clair, il y a un pacte de soumission ,un contrat de conformité à un ordre, à des devoirs et à des droits qui lient gouvernés et gouvernants.

Ne pas confondre l’Etat et la nation


Pour les uns, la nation est une communauté objective fondée sur la race, la langue, la religion etc... Pour les autres comme Renan, la nation est subjective :elle ne repose que sur le désir de vivre ensemble, quelles que soient la race, la langue, la religion…Dans tous les cas, la nation est une condition nécessaire de l’Etat, puisque l’Etat suppose des hommes, une langue, etc.
En résume, retenons que l’Etat, c’est à la fois un territoire, un pouvoir politique et une population qui peut, elle-même, comprendre plusieurs nations. Si l’un de ces trois éléments constitutifs disparaît, l’Etat n’existe plus et la protection de la population n’est plus assurée. Il faut retenir cette différence entre l’Etat qui est une abstraction politique et la nation qui est un fait social.
Des fondements de l’autorité et de l’obéissance

Un auteur moderne comme Max Weber a analysé les conditions qui font que les gouvernés acceptent d’obéir à l’autorité d’un homme qui n’est pas un fonctionnaire de l’Etat ou à une autorité étatique. Ceux sont les raisons de cette obéissance qu’il appelle fondement de la légitimité du pouvoir ou de l’autorité. Chaque forme d’autorité a un nom selon son origine. L’ « autorité traditionnelle de l’éternel hier » est celui par exemple dont jouissent les marabouts au sénégal. On reconnaît l’autorité de descendant de Serigne Touba, non pas seulement à cause de sa personnalité réelle, mais à cause d’une croyance et d’une image héréditaire. L’ « autorité charismatique » est celle qui repose sur la croyance selon laquelle il existe des grâces ou des dons particulier ou des pouvoirs particulièrement remarquables et pas répandus que dieu ou une autre source supra humaine. C’est cette grâce qui fonde l’autorité des « prophètes ».Enfin, Max Weber appelle « autorité rationnelle légale », cette confiance, cette reconnaissance d’un pouvoir qui est justifié par un savoir ou un savoir faire professionnel acquis par une formation validée par une institution reconnue. Tel est le pouvoir de l’avocat, de l’ingénieur ou du philosophe sorti des universités ou des écoles de formation modernes de la rationalité. Il faut noter que les gouvernés n’obéissent pas aux hommes et aux femmes qui gouvernent mais à l’Etat et aux lois.
Des régimes politiques

Aristote distinguait trois formes générales pour l’Etat selon deux critères fondamentaux :le nombre de personnes qui représentent le pouvoir politique et qui gouvernent et la poursuite de l’intérêt général ou de l’intérêt particulier par ceux qui gouvernent. Lorsque le pouvoir politique est entre les mains d’un seul homme ou d’une seule femme, et que son exercice du pouvoir vise le bien général, Aristote dit que nous sommes dans un régime monarchique. Quand une seule personne gouverne en poursuivant des intérêts égoïstes pour lui- même ou pour d’autres particuliers en excluant les autres, nous sommes dans la tyrannie. Quand l’autorité politique est entre les mains de quelques hommes qui gèrent en vue du bien pour tous et pour la cité, Aristote parle d’aristocratie ou gouvernement par les meilleurs, par l’élite économique ou intellectuelle ou religieuse, etc. Par contre si cette minorité gouverne dans le sens de son seul bien, nous sommes dans l’oligarchie, le gouvernants des plus forts ou des plus riches qui écrasent les autres. Enfin, quand c’est tout le monde qui gouverne et que chacun cherche non pas seulement son bien personnel mais le bien commun, nous sommes dans un régime constitutionnel. Dans le cas contraire nous sommes dans la démocratie. On notera donc que pour Aristote la démocratie n’est pas seulement le gouvernement de tous par tous et pour tous.
Penser l’Etat et la politique à partir de la nature profonde de l’homme

La plupart des théoriciens la politiques font un lien entre leur conception de l’activité politique et de l’Etat et la nature de l’homme, c’est-à-dire avec les caractéristiques les plus répandues de l’homme. Certains comme Hobbes disent que l’homme n’aime pas son semblable et cherche toujours à le détruire même avec son sourire. Dès lors, la seule question qui importe pour rétablir l’ordre est de savoir :avec quel moyen efficace. Le seul moyen répond Hobbes pour arrêter la méchanceté ou la violence c’est de lui opposer une méchanceté et une violence supérieure. En conséquence l’Etat doit être fort et craint. L’Etat doit inspirer la terreur et rappeler toujours son pouvoir et sa disposition sans exception de donner la mort sans même se justifier. Ce qui compte c’est l’efficacité. Machiavel est du même avis que Hobbes, peut importe pour l’homme qui veut prendre le pouvoir politique étatique ou qui veut le conserver, de se demander est-ce que ceci ou cela est moralement bon mou mauvais, est-ce que Dieu interdit cela ou ceci comme moyen ou comme méthode pour parvenir au pouvoir. Mentir, tuer, intégrer une secte de sorciers anthropophage ou de francs maçons ou une confrérie pour arriver au pourvoir ou tuer ses ennemis pour conserver le pouvoir, tout cela est permis dans l’espace politique de Machiavel. Selon Machiavel, l’Etat ou le prince peut utiliser tous les moyens pour réaliser sa fin ou pour atteindre son but. Machiavel pense ainsi car selon lui, l’homme ne saurait jamais renoncer à ses intérêts particuliers sans une contrainte extérieure. L’Eta doit être un art qui use de la cruauté s’il le faut ou de la ruse si les circonstances le demandent. Par contre chez Rousseau qui pense que l’homme est né en dehors des chaînes de l’esclave et au milieu de l’abondance et de la paix, tout Etat qui le priverait de sa liberté et qui le contraindrait à vivre dans la rareté et dans la dépendance est illégitime. L’Etat doit être juste et ce qu’il fait doit être déterminé par tous.
Aujourd’hui, dans la typologies des régimes politiques, on parle de régime autoritaire, de régime totalitaire ou de régime démocratique. Le régime autoritaire ne permet pas la critique mais admet que l’on puisse ne pas être d’accord avec sa politique. Le régime totalitaire n’accepte pas la critique et exige que tout le monde soit d’accord avec sa politique.
Des qualité pour bien gouverner ?
Platon estime que tout le monde ne devrait pas être le détenteur du pouvoir politique. Il y aurait donc selon des dispositions naturelles ou acquises qui prédispose l’homme à l’art du commandement politique. Pour que la bonne gouvernance soit le principe et un fait dans la cité ou dans l’Etat, il faut des hommes ou des femmes qui aiment la vérité, qui savent entendre la justice et qui ont le courage de l’appliquer à tous et de se l’appliquer à eux-même. Platon affirme que ces dispositions particulières sont installées progressivement par l’amour de la philosophie et de la sagesse vers laquelle elle conduit.

L’Etat est-il un arbitre neutre ?

Les partisans de la théorie marxiste de l’Etat disent que l’Etat n’est pas une infrastructure, c’est-à-dire quelque chose de premier mais qui est l’ombre de quelque chose d’autre de plus difficile à voir et dont il n’est que l’instrument ou l’effet. L’Etat disent-ils, est qu’une superstructure, un instrument au service de quelque chose, un moyen pour réaliser un projet. Cet instrument est construit par les bourgeois et pour les bourgeois contre leur classe ennemie, la classe des prolétaires ou celle des pauvres. La bourgeoise qui domine les rapports de production puisqu’elle est la propriétaire des moyens de production que sont les terres, les usines, les capitaux, est la même classe qui domine aussi l’Etat. Elle instrumentalise, utilise le pouvoir politique pour accroître sa propre emprise. Selon les théoriciens marxistes de l’Etat, il existe dans le domaine de la production, une évolution et un changement dans l’infrastructure, c’est-à-dire dans les forces productives. Ce changement dans les forces de production parmi lesquels ont peut noter la formation intellectuel croissante de « l’armée du prolétariat » introduit changement dans les rapports entre l’Etat et les travailleurs. "Au cours de l’histoire, les intérêts de la classe dominante ne correspond plus aux intérêts des travailleurs. Le décalage continuant de s’accroître, au point de devenir insupportable, la révolution éclate. Ainsi entendue, la révolution est le moyen de réadapter la superstructure à l’infrastructure et même de supprimer la première. En effet, l’Etat prolétarien apparaît et, après une phase transitoire destinée à transformer les rapports de production de façon radicale, il est amené à disparaître au profit de la société communiste auto-gérée. "
CONCLUSION
Il y a peut-être des hommes et des femmes qui, par une grâce particulière de la nature ou par le génie d’une éducation, essayent de vivre en s’évertuant à lutter contre le mal en faisant du bien leur arme. Mais ni la nature ni la société n’a fait que ces hommes soient les plus nombreux. La méchanceté, la soif du pouvoir, l’obstination à satisfaire ses besoin, l’égoïsme et la tricherie semblent être les caractères réels les plus répandus chez les hommes. Il faut donc un ordre qui émane d’un pouvoir plus fort que tout autre pouvoir particulier pour que la vie sociale soit possible. L’Etat est le dépositaire de ce pouvoir. Mais l’Etat n’est qu’une arme et comme toute arme il faut au moins un homme qui la déclenche et qui l’oriente. L’arme cet arme qui donne en même temps la vie et la mort et qui tantôt est chargée des balles de la vie et tantôt des balles de la mort, tantôt tirant pour les hommes et d’autres fois contre les hommes qu’il prétend protéger.
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