vendredi 10 avril 2009

La notion d’obstacle épistémologique dans l’histoire de la formation des concepts scientifiques


Que se passe-t-il lorsqu’ après un essai ou une série d’essais manqués dans la réalisation d’une tâche visant un objectif déterminé et mesurable, un acteur dans une situation théorique ou pratique, parvient à atteindre son but ?

Le passage d’une tentative échouée à une autre réussie dans le domaine de l’action ou de la pratique est appelé progrès. Nous pouvons donc définir le progrès en général comme étant un mouvement par lequel quelque chose ou un être vivant qui est mouvement de manière autonome ou poussée ou tirée par une force quelconque de nature physique ou spirituelle s’élève d’une situation antérieure vers une autre plus avancée.


La diversité des théories ou des conceptions du monde est connue des philosophes dont on pourrait dire qu’ils ne voient jamais la même image quand ils sont en face d’une réalité naturelle ou culturelle à rationaliser. Mais l’histoire des sciences de la nature et celle des sciences sociales et même des mathématiques a révélé que la cité des scientifiques n’est pas non plus un espace de production de mesures qui se sont en série au cours du temps par des générations de penseurs dont les théories s’alignent dans la continuité les uns après les autres et donnant à leurs objets d’étude une transparence et une étendue de plus en plus grande .

Le progrès de l’esprit de l’homme est marqué dans le domaine de la connaissance par l’apparition successive de concepts ou de théories ou de vissions du monde que forment les philosophes et les scientifiques au cours de l’histoire de la pensée. Le passage de la physique newtonienne à celle de Einstein est un cas particulier de ce changement dans le domaine de la pensée scientifique.


Il s’agit donc d’une réflexion épistémologique ou plus simplement d’une enquête philosophique dans l’espace de la production des théories scientifiques.


C’est ce progrès de l’homme que nous essayons de comprendre dans le domaine de la connaissance et de manière plus restrictive dans la connaissance scientifique.
L’objectif visé est d’essayer de trouver un principe ou une cause qui permette d’expliquer le fait qu’au cours de l’histoire de la pensée humaine qui est l’histoire des rapports de l’esprit de l’homme au monde, les philosophes et les scientifiques de tous les domaines proposent pour un même objet, des séries de théories qui, bien que différentes, revendiquant et portes toutes le cachet de la rationalité et restent également liées tributaires les unes des autres dans leur naissance et dans leur « vieillissement » et dans leur « mort ».Le changement et la diversité et les ruptures connus chez les philosophes sont donc dans l’espace de la science.

Il y a toujours eu dans la vie humaine des interrogations sur la vie de la nature et sur ces produits comme sur celle de l’homme et de ses productions personnelles ou sociales. Toutes les questions pouvant être d’une importance objectivement ou subjectivement mineures ou majeures, le choix de ce thème proposé par le Club Science et philosophie du Lycée des Parcelles Assainies, se justifie sans doute par le fait que l’interrogation philosophique est bien présente dans le programme enseigné en classe de terminales. Mais au-delà de ce souci immédiat, il y a sans doute une autre raison qui pourrait justifier le choix de notre sujet, à savoir qu’il ne saurait exister de cité véritable et durable et encore moins d’Etat libre, sans une armée d’agents capables de mener une guerre rationnelle et raisonnable contre l’ignorance que les hommes, gouvernant et gouverné peuvent avoir du monde dans lequel ils cherchent à s’établir et contre l’ignorance qu’ils peuvent avoir d’eux-mêmes.

Pour comprendre ce changement dans le domaine de la production des connaissances scientifiques, nous partons de cette question :Que se passe-t-il lorsqu’un athlète au saut en hauteur ou dans une autre épreuve, ou un élève face à un problème théorique quelconque, ou un chercheur reconnu dans sa discipline, après avoir échoué une tentative pratique ou théorique pour résoudre un problème, arrive à atteindre son but dans une nouvelle tentative ?

Pour répondre à cette question, nous pouvons procéder à une analyse des paramètres en jeu dans la situation de ces différents acteurs qui est pratiquement la même dans le cadre de cette réflexion.

Lorsqu’un acteur quelconque après une série de tentatives échouées arrive à réussir ce qu’il voulait réussir comme tâche, il y a nécessairement quelque chose au a changé entre les tentatives précédentes échouées et la tentative de la réussite. Que s’est-t-il passé et qui permet d’expliquer cette ascension de l’acteur vers de nouvelles hauteurs sur les graduation du chemin de son mouvement ?


Les causes ou les facteurs qui agissent dans la situation de n’importe quel acteur qui fait un progrès dans son action, peuvent être recherchés du côté du sujet en supposant qu’entre un essai non concluant et un autre qui est réussi, il y aurait une acquisition de compétences ou de méthodes nouvelles ou de conceptions nouvelles dont l’acteur ne disposait pas dans les essais ou les tentatives antérieures ou qu’il ne mettait pas bien en exécution. Les facteurs du changement peuvent être aussi recherchés dans la cible de l’acteur ou la matière sur laquelle il intervient. Les causes d’un échec ou celles d’une réussite peuvent être recherchées aussi dans l’espace physique ou culturel qui contient le sujet et la cible de son action , l’objet ciblé et le sujet pouvant être dans le même espace ou dans des espaces temporels ou géographiques différents. Ces facteurs peuvent être recherchés aussi dans les réseaux de relations qui unissent ou qui séparent l’acteur et sa cible.

Dans le cas par exemple d’un athlète qui après deux échecs successifs pour franchir une certaine hauteur au saut, on ne saurait lorsque ces essais sont espacés d’une très courte durée, évoquer une acquisition de compétences nouvelles, car il peut franchir la hauteur qui lui est fixée en utilisant la même manière de sauter. Mais quelque chose a tout de même dû changé car la reproduction des conditions de l’échec antérieur devrait aboutir à un nouveau échec. Ce qui est sûr, c’est que la hauteur objective à laquelle la corde est fixée n’a pas variée. Si l’action est effectuée en présence d’un public il est possible que l’attitude de ce dernier soit un facteur de modification. Mais comme le public ne saurait modifier les caractéristiques objectives et matérielles de l’épreuve que sont le terrain ou la corde ou la hauteur de la corde, il faut rechercher ses effets chez l’acteur qui peut être renforcé et poussé ou qui peut être inhibé et retenu par l’expression du public. Sans donc négliger l’influence du milieu du milieu extérieur avec l’ensemble de ses variables efficientes susceptibles d’être recensées et qualifiées positivement ou négativement et quantifiable, il apparaît que des causes ou les facteurs déterminants se trouvent dans le sujet. Ce qui est valable pour l’athlète est valable pour un élève, car l’histoire du parcours intellectuel et scolaire d’un élève n’est pas un parcours linéaire ou un parcours homogène :un élève peut passer d’une bonne compréhension à une autre moins bonne et vice- versa, comme un élève peut être brillant dans une discipline et ne pas l’être dans d’autres qui ne sont pas théoriquement les plus difficiles. Quand le « bon élève » passe d’une bonne performance à une autre moins bonne d’une épreuve à une autre dans la même discipline ou dans des disciplines différentes, on peut évoquer la difficulté des épreuves, mais on peut s’autoriser à penser que ce n’est pas son intelligence ou sa capacité de comprendre et de restituer des connaissance ou de les expliquer ou de les appliquer qui est en cause, mais on peut aussi penser que quelque chose qui est impliquée dans la situation de connaissance a été modifiée dans un sens positif ou négatif.

En termes plus clairs, tout changement marquant l’apparition d’un progrès dans l’action ou dans la pensée est toujours attribuable dans une large mesure à des changements intérieurs apparent ou non parents, quantifiable ou non quantifiable en eux-mêmes et qu’il faut chercher du côté de l’acteur qui utilise son corps ou du penseur qui utilise sa conscience et sa raison et peut-être aussi quelque autre composante de son existence. C’est un changement intérieur chez le sujet qui entraîne un changement dans le rapport qu’il établit entre lui et sa cible.
Il y a une espèce de révolution mentale ou intellectuelle qui s'opère dans la conscience et dans la conception des choses et dans leur organisation et dans leur essence dans le miroir du monde qu'est l'esprit humain où toute chose vient prendre une série de sens et de formes complémentaires ou contradictoires qui, malgré leur adversité théorique se rendent mutuellement service et rendent service à l'homme en lui présentant le monde de manière plus transparente.Cela ne veut pas dire que l'image que nous nous faisons de la réalité en général ou d'un de ses fragments est antérieure ou commande la chose elle-même:cela veut dire que la production de la connaissance est le produit toujours infini et insatisfaisant d'un processus d'interactions entre un intérieur sensible et une extériorité exicitatrice.La connaisssance est une relation dialogue.C'est ce changement intuitif ou discursif qui donne à l'esprit une nouvelle lumière et qui éclaire de l'objet déjà connu mais imparfaitement ou incomplètement,une zone d'ombre et qui peermet de le déshabiller davantage et de le dire d'une manière plus transparente ou étendue.
Dans tous ces cas de figures, ce qui est en face de l’acteur, c’est une barrière, une limite, un obstacle à franchir. En conséquence, nous dirons que tout progrès réalisé dans le domaine de l’action ou dans celui de la pensée est la conséquence d’un franchissement d’obstacle et que cette élévation du corps ou de l'esprit vers une nouvelle hauteur de son trajet d’acteur gradué par des étapes échelonnées, se traduit en termes de gain d’énergie et de puissance physique ou intellectuelle qui font succomber à la fois des obstacles internes à l’acteur et un obstacle extérieur à franchir. C’est pourquoi il est rationnel de penser le progrès en termes de dépassement d’obstacles intérieurs qui empêcheraient à l’acteur ou au penseur de bien se voir, de bien voir le monde et de bien voir son action.
Ce sont ces obstacles qui freinent la marche de l’esprit scientifique et son ascension vers des formes rationnelles de plus en plus transparentes de la réalité naturelle ou sociale qui constituent notre cible dans la sphère de la production des connaissances scientifiques et qui justifient la formulation de cet exposé : « Les obstacles épistémologiques dans l’histoire de la formation des concepts scientifiques »

Par le concept d’« obstacles épistémologiques » formé par Gaston Bachelard en 1932 dans La formation de l’esprit scientifique, nous entendons l’ensemble des éléments naturels ou spirituels à la fois externes mais surtout internes à l’acteur et qui lui empêchent de bien se voir et de bien voir sa cible et son activité et qui en conséquence, ont pour effet de corrompre, de pervertir,de verrouller et donc de perturber et de brouiller la vue et les mesures de l’agent ou stopper leur processus évolutif.

Ce qui empêche à un acteur isolé ou à un groupe d’acteurs de bien voir pour se voir et voir son monde et ses activités au sein de ce monde est grave, car sans cette clairvoyance du regard sur soi et sur le reste du monde, la vie des individus et celle de la société pourrait n’être qu’un ammoncellemnt d’erreurs jamais rectifiées et donc l’enferment dans l’ignorance et la négation du progrès en général. Ce qui empêche particulièrement à la science d’avancer vers des formes de rationalisation du réel de plus en plus étendues et transparentes intéresse donc tout le monde, philosophe ou commerçant. Car la science et les techniques avec lesquelles elle s’accompagne constituent aujourd’hui des moteurs essentiels dans le mouvement des individus et des peuples toujours en quête d’un plus capable de leur apporter des réponses aux questions théoriques, au besoin universel et anthropologique de vérité et aux demandes d’une satisfaction matérielle que la nature ne peut plus calmer.

La problématique des obstacles épistémologique est actuelle et importante particulièrement chez nous au Sénégal car aujourd’hui, il est manifeste que la connaissance ne se pare plus
aujourd’hui des mêmes habits dans lesquels se sentaient si fiers l’intelligentsia sénégalaise de Senghor. Si Senghor n’a jamais douté de la compétence de ses enseignants ni de celle de ses élèves qui fournirent au Sénégal les premiers et pas les plus mauvais ni intellectuellement et certainement pas moralement non plus, et qu’aujourd’hui du sommet de l’Etat on s’interroge avec suspicion sur la disposition et l’aptitude des sénégalais à aimer les « mathématiques » en particulier et toutes les autres matières du système éducatif, et à transmettre ses connaissances et à les appliquer, c’est que quelque part, il y a quelque chose de fondamentale qui a changé et tant que ce changement ne sera pas diagnostiquer en dehors des intérêts particuliers que peuvent défendre les différentes parties, tous ces autres changements de surface qu’on appelle « alternance » ne serviront à rien de significatif pour le pays. Il n’ y a jamais eu et il ne saurait jamais y avoir d’alternance dans la vie du peuple sans une alternance révolutionnaire dans les esprits et dans leurs rapports à eux-mêmes et au monde, puisque après les soins de la nature, l’homme est condamné à se prendre en charge.
Nous nous proposons d’abord de déterminer la nature de ces obstacles pour ensuite examiner la possibilité de les surmonter au niveau individuel mais aussi au niveau de l’environnement social et culturel et d’examiner les enjeux liés au concept.

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